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Sur les traces de l’Afrique à Cuba

L'héritage des sociétés africaines et des cabildos dans la culture cubaine

Auteur:
Cubanía
Date de publication:
21 novembre 2022

La culture afro-cubaine est le résultat, entre autres, du patrimoine hérité de plus de 200 ethnies et nationalités africaines qui, associées en cabildos de nación, ont construit leur propre histoire.

Les premiers esclaves africains arrivent à Cuba en 1517, date de délivrance de la première licence autorisant l’introduction des esclaves aux Antilles. L’importation de main d’œuvre esclave se poursuit jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1886. Selon les estimations, Cuba a reçu environ un million d’hommes et de femmes provenant de la zone comprise entre l’Afrique occidentale et centrale.

Au XIXe siècle, le nombre d’esclaves importés a augmenté à un rythme toujours croissant pour atteindre des chiffres alarmants. En 1841, selon les données contenues dans l’Annuaire statistique de la République de Cuba, plus de la moitié de la population cubaine, soit 58,5 %, était noire. La plupart des esclaves étaient concentrés dans les régions sucrières les plus productives : La Havane, Matanzas et Trinidad. C’est dans ces territoires où les traces de l’Afrique à Cuba sont les plus palpables.

Les sociétés africaines et cabildos de nación

Superficiellement, l’identité afro-cubaine semble être le fruit d’une culture homogène. Cependant, la présence de plus de 200 ethnies africaines a été vérifiée. Elles se sont rassemblées dans des communautés à caractère culturel et religieux dénommées cabildos de nación.

Les cabildos, sociétés formées de membres d’un groupe ethnique spécifique, avaient pour but de s’entraider et de porter secours à ceux qui en avaient besoin. Pour pratiquer les cultes ancestraux, ils dupaient la société coloniale en laissant croire qu’ils vénéraient les vierges et les saints catholiques, ce qui leur assurait une certaine légalité.

Certains travaux font allusion à l’existence de cabildos noirs à Cuba depuis 1568. Or, ce n’est qu’au XIXe siècle qu’ils connurent une visibilité accrue au sein de la société cubaine. Les cabildos lucumi ou yoruba, congo-angola, arara et carabali sont les plus connus.

La culture yoruba

Le groupe ethnique yoruba ou lucumi, largement représenté à Cuba, est composé de plusieurs tribus provenant des royaumes Oyo, Owu, Ijebu, Egba, Igbomina, Ekitis, Owo, Ondo, Ijesha, Egbado, Shabe, Ketu et Awor. Pendant de nombreuses années, la nation yoruba a été une puissance économique dans le continent africain, et son développement socioculturel et artistique dépassait de loin celui d’autres tribus de l’Afrique noire.

À Cuba, les Yorubas ont pratiqué le culte des orishas par le biais de la Regla de Ocha ou santería cubaine. Ces pratiques font appel à la musique et à la danse comme expression religieuse, ainsi qu’au battement de tambours sacrés. Actuellement, la Regla de Ocha est l’une des manifestations religieuses les plus populaires, répandue par la diaspora cubaine en Amérique latine, aux États-Unis et en Europe.

La culture congo ou bantou

Les esclaves congo ou bantou provenaient des nations Congo et Angola. Parmi les nationalités les plus en vue à Cuba, citons les Congos, les Mandingas, les Minas et les Gangás. Il faut préciser que les Congos sont un groupe ethnique très vaste qui regroupe d’autres ethnies, dont : mumbona, musumdi, mumbala, mondongos, cabenda, mayombe, masinga, banguela, munyaca, loango, musongo, mundamba et entotera.

Ils ont développé une pratique religieuse connue sous le nom de Regla Palo Monte, Mayombe ou Regla Conga, dont les fondements primordiaux sont le culte des morts, des ancêtres, de la nature et du Saint-Esprit.

La culture arara

Les tribus provenant de la région du Dahomey, dont les Ewes, les Adjas et les Fong, sont connues comme les Arara. Rivaux historiques des Yorubas, les Dahoméens ont été mis sous le joug de cette nation pendant presque 100 ans. Cependant, au XIXe siècle, ils ont atteint un grand pouvoir commercial dans la zone, devenant de la sorte les principaux promoteurs de la vente de bozales yoruba aux trafiquants d’esclaves. 

À Cuba, les sociétés arara se sont établies en particulier à Matanzas et à La Havane. Aujourd’hui, les deux seuls cabildos officiels se trouvent dans la province de Matanzas. Ils manifestent leur religiosité à travers la Regla Arara, religion afro-cubaine qui présente beaucoup de points communs avec la Regla de Ocha.

La culture carabali

Les Carabalis, provenant de la région du Calabar (Nigéria), étaient représentés à Cuba par les tribus Suamo, Bibi, Bricamo, Bras, Abaya, Briche, Eluyo, Efi, Hatan et Berún.

Les esclaves carabali ont choisi une modalité particulière d’association. Outre les cabildos de nación, la société secrète abakuá voit le jour vers la fin du XIXe siècle. Appelés aussi Ñáñigos, ils forment une organisation socio-religieuse à l’instar des sociétés fraternelles secrètes, où leurs membres appartiennent tous au sexe masculin. Ils ont leur propre credo, la Regla Kimbisa, régie par un code éthique très rigoureux. Les sociétés abakuá existent seulement à Cuba, spécifiquement à La Havane et à Matanzas.

Et aujourd'hui ?

Le XXe siècle a représenté une période de déclin des cabildos afro‑cubains, dont un bon nombre a disparu en raison des interdits religieux, du racisme et des pressions politiques. Néanmoins, quelques-uns existent encore de nos jours.

La ville de Matanzas accueille quatre cabildos officiels qui ont vu le jour au début et au milieu du XIXe siècle : Santa Teresa de Jesús (Lucumi), San Juan Bautista (Iyessá Moddú), Espíritu Santo (Arara) et Niño Jesús (Carabali).

À l’heure actuelle, ces cabildos, chargés de garder les traditions culturelles et religieuses les plus ancestrales, représentent un patrimoine immatériel d’une grande valeur pour la culture cubaine.

traducteur:

Elodie Vandenbossche

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Fernández-Reyes

Cubanía

Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.

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