À la naissance du bébé, le premier problème réside dans le choix du prénom. Mileidy ou Maivi ? Ernesto ou Camilo ? Ou encore Yumara, Yosbel, Leidan, Franmar, Julimar, Legna... Comment s'appellent les Cubains et Cubaines d'aujourd'hui ?
À Cuba, les noms traditionnels proviennent pour l'essentiel de l'héritage espagnol. On connaît très bien les Antonio, Maria, Esperanza, Carmen, Manuel ou Pedro ; cependant, ils ont été aujourd'hui dépassés, étant considérés comme démodés ou évoquant des personnes du troisième âge.
Les processus historiques ont également influencé les choix. Immédiatement après l'avènement de la Révolution de 1959, on a vu une augmentation notoire des Fidel, Raoul, Ernesto et Camilo, noms qui traduisaient des sentiments d'admiration et de respect. On a même l'exemple d'une femme de trente-quatre ans environ s'appelant Marxlenin, ainsi nommée en hommage à Karl Marx et Vladimir I. Lénine.
Il existe par ailleurs à Cuba une tradition d'héritage de noms issus d'autres cultures, comme la russe, déterminée par les relations politiques et socio-économiques avec l'ex-Union Soviétique. C'est ainsi qu'ont été très populaires les Alexei, Yuri, Boris, Tatiana, Katia.
Il existe d'autres raisons concernant le choix des prénoms, basées sur des emprunts linguistiques. Il est devenu très courant d'adopter des termes étrangers à notre réalité, dont bon nombre provient de l'anglais : Leydi pour lady (dame), Mileidy pour my lady (ma dame), Maivi pour maybe (peut-être), Olnavy pour Old Navy (marque de confections), Usnavi pour US.Navy (marine des États-Unis) et Danyer pour danger.
D'autres raisons, par contre, déterminent les prénoms des fillettes et des garçons d'aujourd'hui. Les goûts de chaque parent et les chanteurs et artistes à la mode jouent un rôle important. Par exemple, dans les années 90, certains prénoms féminins ont été en vogue comme Ruth, Raquel, Lindalba, Isaura et Malu, sous l'influence des feuilletons brésiliens Femmes de sable, La dame du destin ou l'esclave Isaure.
Avec le temps, cependant, les motivations ont changé. On a assisté à des cas surprenants comme la combinaison de trois pronoms personnels de la langue espagnole pour créer Yotuel (moi, toi, lui), prénom porté par un des musiciens du groupe Los Orishas. De même, on a vu la réunion du mot oui décliné en plusieurs langues : Dayesi (da en russe, yes en anglais et si en espagnol).
Pour des personnes dont la langue maternelle n'est pas l'espagnol de Cuba, certains prénoms s'avèrent très difficiles à prononcer. Parmi eux, ceux qui commencent par Y, qui ont marqué toute une génération de Cubains : Yanisey, Yumilsis, Yumara, Yosbel, Yadel, Yulieski, Yolaide, Yamisel, Yoerkis, Yuset, Yohendry, Yander, Yunier.
Cependant, certaines traditions ne sont jamais démodées, c'est pourquoi pères et mères à Cuba décident de combiner leurs prénoms comme Sariman (Sara et Manuel), Reycel (Rey et Celia), Leidan (Leida et Daniel), Franmar (Francisco et Marina) et Julimar (Julio et Maria). Sans compter ceux qui, dans leur course à l'originalité, ont donné à leurs enfants le nom d'un de leur parent à l'envers : Legna (Angel), Anele (Elena), Sixela (Alexis) ou Anaeli (Ileana).
Par ailleurs, le cas de la famille de musiciens Alfonso constitue une nouveauté en la matière : elle est composée de L. Valdés, chanteur du groupe Sintesis et de sa fille et son fils, X et M, eux aussi des musiciens reconnus qui, outre leur carrière prestigieuse dans la musique cubaine, sont les promoteurs d'un espace socioculturel très intéressant pour ceux qui visitent Cuba : la Fábrica de Arte.
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