Puentes Grandes : quartier de la première bière cubaine
À la découverte des quartiers de La Havane
Cubanía vous invite à explorer Puentes Grandes, le quartier autrefois industriel de La Havane, qui a vu naître la première bière cubaine. Une occasion propice pour dépasser le cadre du centre-ville et découvrir, au passage, des histoires cachées par le temps.
L’histoire de La Havane est notamment sous-tendue par l’imagination et l’ingéniosité collectives. Puentes Grandes est en l’un des endroits qui a vu le jour grâce à la volonté de la ville de se développer. Situé le long de la rivière Almendares, ancien coeur industriel de La Havane, ce quartier était au tournant du XXe siècle le territoire de la première brasserie cubaine, La Tropical, et de tout son empire. Aujourd'hui oublié, caractérisé par les ruines d'une époque de splendeur industrielle et de loisir, Puentes Grandes est un exemple du désir de fonder, de l’essence caractéristique des Havanais, ainsi que de la frustration provoquée par l’œuvre abandonnée ou inachevée.
Cette invitation à explorer le passé et le présent de Puentes Grandes constitue une occasion propice pour dépasser le cadre du centre-ville, découvrir certaines des sources de croissance du territoire et repérer, au passage, des histoires cachées par le temps.
Río Almendares, débuts et progrès
Ce fleuve, qui n’est ni le plus large ni celui à plus fort débit de Cuba, a été cependant une amulette susceptible de frayer la voie à la vie pour les habitants de La Havane. Depuis sa naissance, la ville a apprécié les potentialités du fleuve en tant qu’axe essentiel de son progrès.
Ce qui n’était au début qu’un hameau, né autour de l’un des premiers moulins à sucre situés aux alentours de La Havane au XVIe siècle, a tiré son nom des deux ponts franchissant le fleuve qui faciliterait son développement. Et la vie a suivi son cours durant les XVIIe et XVIIIe siècles. En dépit de certaines périodes de stagnation, provoquées notamment par des catastrophes naturelles, l’agglomération s’est étendue jusqu’au quartier appelé Mordazo, tout près de celui du Cerro, toujours à proximité du fleuve.
Vers la moitié du XVIIIe siècle, une tempête détrusit les ponts en bois, connus à l’époque sous le nom de ponts de la Chorrera, praticables seulement pour les personnes et les voitures. Le capitaine général de l’île fit reconstruire par la suite des ouvrages. Nonobstant cette reconstruction, la nature s’acharna quelques années plus tard sur la zone et une crue endommagea la structure des ponts.
Le quartier s’est relevé à plusieurs reprises, faisant toujours preuve d’un nouvel élan. La zone naissante a attiré l’attention de familles qui y construisaient souvent leurs maisons d’été pour profiter des eaux pures du fleuve. Les avantages qu’offrait l’industrie sucrière, de pair avec la présence marquée de l’église, ont permis à Puentes Grandes de rester à flot. Ce quartier se préparait à accomplir sa destinée en tant que zone industrielle et espace d’innovation de la capitale. Le pont définitif a été bâti vers 1827, ce qui a garanti la circulation dans ce quartier, devenu le noyau d’une zone accueillant des centaines d’habitants et de bâtiments.
La bière moteur économique du quartier
L’intérêt éveillé par Puentes Grandes, de par ses potentialités économiques, ouvre la voie à l’expérimentation liée à l’exploitation des ressources. Des scies hydrauliques y ont été installées, des carrières y ont été exploitées et des usines diverses y ont été construites.
Mais l’image de Puentes Grandes en tant qu’espace de création commence à se dessiner avec la fabrication au XIXe siècle de La Tropical, première bière cubaine. Jusqu’à ce moment-là, l’histoire de cette boisson dans l’île avait toujours eu des hauts et des bas complexes. De son introduction en contrebande au XVIe siècle jusqu’à l'existence de plus de 130 marques vers la moitié du XVIIIe siècle. Après deux tentatives manquées, à la Vielle Havane et à Cárdenas, Puentes Grandes devient le berceau de l’industrie cubaine de la bière.
La société La Tropical produisait au début un produit de basse qualité. Elle réussit à fabriquer par la suite, dans la brasserie basée à Puentes Grandes, une bière qui a remporté le grand prix lors des expositions internationales de Londres (1896), Bruxelles (1897) et Paris (1912). Les produits de la société faisaient à l’époque concurrence à ceux de la famille Bacardí qui, en plus de produire du rhum, introduisit des marques de bière qui acquirent un grand renom sur le marché national.
Les liens entre La Tropical et le quartier se sont renforcés suite à la décision de l'entreprise d'offrir en cadeau à la communauté, et dans le cadre de sa stratégie commerciale, la construction de diverses installations, dont Los Jardines de la Tropical. Ces jardins constituent peut-être le cadeau le plus précieux et la fierté des habitants du quartier. La conception de ce parc, principal point de repère du paysagisme à Cuba, a eu une forte incidence aussi bien sur l’entreprise que sur la société industrielle cubaine au XXe siècle. Ces jardins sont devenus l’un des espaces de récréation les plus importants de La Havane à l’époque de la république néocoloniale.
La société a aussi construit le stade La Tropical, rebaptisé de nos jours Pedro Marrero, siège de différents tournois internationaux. Les sports ont toujours joué un rôle de premier ordre dans l’histoire de Puentes Grandes. Nombre des premières compétitions officielles de football à Cuba ont eu lieu dans la zone. Tout porte à croire que la première équipe féminine de cette discipline est formée notamment de femmes du quartier.
Puentes Grandes est peut-être le seul endroit de Cuba où la passion pour le football n’a pu être dépassée par aucun autre sport. Les habitants actuels sont largement attirés par ce sport, à tel point que les rues sont pratiquement vides lorsqu’un match est transmis à la télé ou lorsque le stade La Polar accueille une importante compétition nationale ou internationale. Ce stade a été construit par une autre brasserie qui a atteint un renom national à Puentes Grandes. Selon le slogan de cette compagnie, « Polar est la bière du peuple et le peuple ne se trompe jamais ». Y a-t-il par hasard un meilleur endroit que Puentes Grandes pour offrir au peuple cubain une autre bière de haute qualité ?
Tout au long de son histoire, Puentes Grandes a été considéré comme un quartier pionnier. Les dizaines d’usines qui s'y sont installées approvisionnaient la ville en papier et en huile. La transformation de cet espace et les traits distinctifs de son histoire unique à La Havane, font de Puentes Grandes l’un de ces sites perdus qui mériterait d'être mis en lumière afin d’offrir à la ville de nouvelles opportunités de développement.
Fernández & Reyes
Cubanía
Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.
tous les articlesVous aimerez aussi
Projet Akokán : faire revivre un quartier oublié
Les origines africaines, ses lieux de culte ouverts et ses cérémonies cachées, les attentes de ceux qui, il y a des années, ont modelé et compris l'opportunité du progrès, la lutte contre l'oubli et l'abandon, accompagnent les efforts d'Akokán. Ses intentions ? Construire les outils nécessaires à Los Pocitos pour développer tout son potentiel.
Alamar : une banlieue construite par la Révolution
Au fur et à mesure que l’on traverse le Tunnel de la Baie, le brouhaha du centre historique de la ville devient de plus en plus inaudible. À l’est de La Havane, la sensation particulière d’air pur et de calme est interrompue par la présence d’une agglomération qui attire l’attention de ceux qui la visitent pour la première fois. Il s’agit d’Alamar, un prolongement forcé de la ville.