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Société

Petite histoire de la fée électricité cubaine

Quelle est la raison des coupures d'électricité à Cuba ?

Auteur:
Stéphane Ferrux-Bigueur
Date de publication / actualisation:
22 juin 2024

Comment peut-on vivre sans éléctricité? En Europe et dans les pays industrialisés, cela semble impossible. Mais les Cubains sont entraînés depuis 30 ans. Ils ont développé des réflexes et des habitudes qui leur permettent de ne pas interrompre de manière radicale leur vie. Aujourd'hui, comment fonctionne le réseau éléctrique cubain et quelle est son histoire?

Jour. Extérieur. Prise de vue en contre-plongée d'une tour électrique

Dans la première moitié du XXe siècle, presque toute l'énergie électrique était produite dans des centrales à vapeur ou au diesel. Celles-ci utilisaient comme combustible des dérivés pétroliers importés. Jusqu'en 1958, la capacité de production effective augmente. Ses installations et équipements étaient divisés en deux grands systèmes indépendants. L'un couvrait la majeure partie de la zone centre-ouest de l'île, et l'autre, beaucoup moins étendu, couvrait une partie de la zone orientale.

Il existait également près de 60 systèmes isolés, généralement de petite taille, alimentés par des centrales électriques locales, dont certaines dans des centrales sucrières. Au total, à cette époque, on ne pouvait fournir de l'électricité qu’à 56% de la population. Telle était la situation électrique à Cuba au triomphe de la Révolution.

Des centrales américaines aux centrales soviétiques

Le début de l’occupation militaire nord-américaine à Cuba en 1899 a laissé derrière elle la domination coloniale espagnole et a ouvert de nouvelles et meilleures perspectives d’investissement, notamment dans les services publics. Avec l'introduction du tramway électrique en 1900, la demande d'énergie a augmenté. Face à ce besoin, en 1902, la Compagnie cubaine d'électricité a été créée, afin d’alimenter un système de services publics pour l'éclairage, la force motrice et le chauffage.

Après le triomphe de la Révolution, l'État a pris le contrôle du service électrique du pays par la nationalisation de la Compagnie cubaine d'électricité et des centrales sucrières, principales sources de production. La migration d'une grande partie des techniciens et du personnel qualifié qui travaillaient dans ce secteur a également eu une influence négative sur cette production. D’autre part, la plupart des petites centrales électriques étaient de fabrication nord-américaine, et à partir de l’application du blocus commercial par les Etats-Unis, l'accès aux pièces de rechange devint impossible.

Avec la création du Conseil d'assistance économique mutuelle (CAME) et les relations avec les pays du camp socialiste, les premières centrales thermoélectriques ont commencé à être construites avec les technologies de la Tchécoslovaquie et de l'ex-Union soviétique, dans les années 1966-1967. L’augmentation de la capacité de production d'électricité de l'île devait combler la demande générée par le développement économique naissant.

Le système national d'Électro-énergie

L'une des mesures les plus importantes prises à cette époque a été la création du système national d'Électro-énergie avec lequel toute l'île était interconnectée en un système unique. L'énergie ainsi produite, quelle que soit sa source, centrales thermoélectriques, centrales sucrières et autres industries, contribuait à alimenter l’ensemble du pays.

Du sucre et du courant

Dans les années 1980, sur les 156 centrales sucrières en activité, 68 étaient capables de produire de l'énergie pendant la période de récolte. Cette nouvelle capacité a permis d'électrifier les zones rurales les plus complexes. À cette époque, 95 % de la population cubaine disposait de l'électricité.

Le nucléaire cubain, sur le modèle Tchernobyl

La possibilité de construire une centrale nucléaire de quatre réacteurs près de Cienfuegos (Juraguá) aurait permis de couvrir la totalité de la demande. Cependant, seuls deux des réacteurs ont commencé à être construits dans le cadre de ce projet, finalement abandonné faute de budget. C’était aussi le moment de la chute du camp socialiste, de l'accident de Tchernobyl et finalement du début de la crise économique à Cuba des années 90.

Toujours plus de pétrole

Les centrales thermoélectriques qui utilisaient du pétrole dans le cadre de la gestion de ces accords étaient affectées par le prix du combustible. Les pannes de courant sont devenues plus fréquentes au cours de cette décennie à cause de la mise hors service de certaines centrales pour réduire la consommation de combustible.

Une solution consista à exploiter et à extraire le pétrole brut cubain, mais dont la teneur en soufre est très élevée, ce qui le rend plus nocif pour les machines des centrales thermoélectriques. D’autre part, toutes ces installations sont proches de la mer et utilisent l'eau de mer dans leurs canaux de refroidissement, cependant les sels et autres contaminants, comme les plantes qui y prolifèrent, constituent une source de substances agressives pour les machines.

Des centrales électriques vétustes

Toutes les centrales thermoélectriques cubaines sont de technologie ancienne, beaucoup proviennent de l'ancien camp socialiste comme celle de Santa Cruz Del Norte, la dernière construite par les Russes, la principale pour alimenter La Havane. La plus moderne est celle de Guiteras, de technologie française, d’environ 50 ans. Cette vétusté engendre aujourd’hui une maintenance difficile à laquelle s’ajoute une surexploitation qui favorise les pannes fréquentes et donc de nombreuses coupures de courant.

Énergies alternatives

Après les années 90, de nouvelles solutions ont été cherchées et Cuba s’est engagée en faveur des énergies renouvelables. La société mixte Cuba-Canada, Sherrit, a expérimenté la production d'énergie à partir du gaz résultant de l'extraction du pétrole, à Varadero et Jaruco. Jusqu'alors le gaz était désaffecté et rejeté dans l'atmosphère.

Des parcs éoliens ont été créés sur la côte nord de l'île de Ciego de Ávila à Holguín. Malheureusement leur entretien coûteux oblige de nombreuses éoliennes à rester à l'arrêt.

Les champs solaires sont de plus en plus répandus dans tout le pays et l'utilisation de ce type d'énergie est encouragée et semble être une solution, notamment pour l'industrie. Cuba-Electrónica en est un exemple, il s'agit d'une entreprise publique qui se consacre à l'assemblage et à la production d'appareils électroménagers. Elle génère toute l’énergie qu’elle consomme avec des panneaux solaires, elle est donc autonome et fonctionne déconnectée du système électrique national. 

Actuellement, la centrale électrique de Ciro Redondo, à Ciego de Ávila, est la seule à produire de l'électricité en utilisant la biomasse issue des déchets de canne à sucre comme combustible.

Mais toujours et encore le pétrole

La production à partir de centrales thermoélectriques flottantes avec des moteurs diesel, système d'origine turque, est une méthode très coûteuse nécessitant un approvisionnement constant de carburant, et donc l’acheminement par des pétroliers sur site. Cette méthode est néanmoins largement utilisée à cause de sa grande capacité de génération de courant.

Le pétrole reste nécessaire car bien que toutes connectées au système électro-énergétique national, et malgré la diversité de ces sources, la génération d’électricité du pays reste insuffisante. En effet, la demande du secteur résidentiel, supérieur à celle de l’industrie, ne cesse de s'accroître.


Cubanía

Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.

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