Il est difficile d'imaginer une fête ou une réunion de famille sans une table pour jouer aux dominos
Auteur:
Olivia Ameneiros
Date de publication / actualisation:
19 juin 2022
Le jeu de dominos est au moins aussi répandu que la pratique du baseball. Les dominos relèvent ainsi de la cubanité. Découvrez un autre quotidien à Cuba.
Ce jeu, qui existe encore alors qu'il fut inventé dans l'ancienne Chine il y a des centaines années, met tout le monde d'accord : hommes et femmes, jeunes et vieux. Cependant, son usage se décline à Cuba avec un certain nombre de différences.
Les différentes variantes des dominos cubains
Dans l'est du pays, on joue le plus souvent avec des dominos allant jusqu'au double six (28 dominos). Dans l'ouest de l'île caribéenne, on préfère la variante au double neuf. Cette variante des dominos est unique au monde. On utilise 55 plaques (30 paires et 25 impaires) qui vont du double zéro au double neuf, avec un total de 459 points. Les règles du jeu sont par ailleurs différentes. Au début de la partie, les quatre joueurs piochent 10 dominos chacun, soit 40 en tout. Les 15 dominos restant sont mis de côté.
À vrai dire, les dominos ne sont pas un simple jeu. Il ne s'agit pas simplement de poser des dominos les uns derrière les autres. C'est aussi se moquer, intimider, bluffer et deviner quel est le prochain domino que l'adversaire a l'intention de poser. Tout devient possible. Les rires, le divertissement, des coups de débutant et des coups de maître, des prises de risques, des engueulades, des paris, des moqueries...
L'argot de dominos à Cuba
Il faut dire que les Cubains ne conçoivent pas les dominos sans l'utilisation de certains mots précis, sans blagues, sans proverbes... un langage couleur locale et une attitude provocante : la guapería dans l'espagnol de Cuba. Tout ce qui définit le caractère des Cubains se retrouve dans la manière de parler des joueurs : les railleries, les mots, les gestes... Toute une série de phrases sont associées aux différents moments d'une partie.
Pegarse, par exemple, signifie qu'un joueur pose le dernier domino et remporte la partie. Dar agua (donner de l'eau), c'est mélanger tous les dominos à l'envers avant le choix des dix dominos par chaque joueur.
Il existe d'autres mots ou phrases comme capicúa quand un joueur a la possibilité de placer son dernier domino à deux endroits et de gagner ainsi la partie. On parle de pollona quand une équipe a totalisé tous les points et que l'autre équipe est restée à zéro.
On dit d'un joueur Está gordo (il est gros), lorsque la plupart de ses dominos comptent beaucoup de points. En revanche, on dit de quelqu'un está en la playa, (il est à la plage), si ses dominos comptent peu de points, généralement entre zéro et trois.
On donne des surnoms aux dominos, des appellations liées à des représentations religieuses, à la géographie ou à des personnalités de la culture cubaine. On trouve dans cette catégorie le Blanquizal de Jaruco, un toponyme évoquant la couleur blanche qui désigne le double zéro.
Les dominos qui comptent un trois sont surnommés Trío Matamoros, du nom d'un célèbre trio de musiciens cubains. Pour parler du huit, on dit Octavio ou bien Oshún, en allusion à la divinité du panthéon yoruba. Il existe ainsi de nombreux surnoms pour des dominos ou des coups, le plus sympathique de ces noms est celui du double neuf, qui compte le plus grand nombre de points et que l'on désigne familièrement par la gorda (la grosse), ou la puerca (la truie).
L'essence de la Cubanité
Le domino révèle donc l'essence de la cubanité. Ce sport est tellement enraciné qu'il ne se pratique pas seulement au cours des fêtes et des réunions de familles. Dans de nombreux coins de rues de La Havane et d'autres villes du pays, on peut voir des tables avec des joueurs et des spectateurs; les parties se prolongent jusqu'au bout de la nuit.
S'il est vrai que le domino est un jeu traditionnel, pour bon nombre de Cubains c'est aussi une question sérieuse. Il y a certains joueurs qui ne changent pas de partenaire pendant toute leur vie. Ils partagent pendant des années des signes secrets, une manière de communiquer verbalement et physiquement tout à fait unique et une proximité qui a parfois même pu détruire des mariages.
Ce passe-temps est tellement important que même l'ancien président des États-Unis, Barack Obama a montré au cours d'une émission humoristique qu'il savait jouer à ce jeu si caribéen, lors de sa visite à Cuba l'année dernière. Pour un Cubain, une partie de domino a son importance... c'est le prélude à tous les possibles.
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