José Martí est une figure incontournable de l'histoire de Cuba et d'Amérique Latine. Martyr et héros national, sa pensée a joué un rôle essentiel dans la lutte d'une Cuba libre et indépendante. Le culte de l'image de Martí révèle beaucoup sur la société cubaine d'aujourd'hui.
À Cuba, l’architecture et les paysages naturels sont marqués par les hommages rendus aux héros, aux intellectuels ou aux moments spécifiques de l’histoire cubaine. Les monuments publics évoquent aussi bien des personnalités que des événements marquants. Les statues dédiées à José Martí sont partout présentes.
Personnalité aux multiples facettes et intellectuel prolifique, nombreux sont ceux qui s'approprient son image et ses idées pour défendre leurs projets politiques. Cubanía est parti à la découverte des principaux monuments édifié à son honneur afin de mieux comprendre l'importance de cette figure dans la Cuba contemporaine...
Martí : un mythe cubain ?
Martí est un mythe et l’objet du culte le plus répandu parmi les Cubains. Son travail comme organisateur de la guerre d’indépendance définitive contre l’Espagne, comme diplomate et intellectuel, ainsi que sa volonté d’unifier la diaspora cubaine, laissaient entrevoir une intention consciente de faire partie des symboles et de la mémoire collective des Cubains.
José Martí, devenu aujourd’hui l’une des sources qui inspire l’âme de la nation, est un cadre de référence pour les Cubains qui vivent aussi bien dans l’île qu’à l’étranger. L’Apôtre avait compris non seulement le langage abstrait du peuple cubain mais aussi ses fragilités et ses contradictions.
Le Martí anti‑impérialiste
Aussi, un monument a-t-il été érigé à La Havane en l’honneur du Martí anti‑impérialiste, juste en face de l’ambassade étatsunienne. La statue est accompagnée de phrases de Simón Bolívar et de Martí lui-même, celui qui se méfiait des monarchies européennes et des visées des États-Unis sur l’Amérique Latine.
Cette prémisse martinienne s’est enracinée après le triomphe de la Révolution cubaine en 1959. Pour sa part, Little Havana à Miami, où résident aujourd’hui des millions de Cubains, accueille une Place où se dresse un grand buste de Martí qui met en relief son idéologie libérale et son amour de liberté.
Tout un chacun interprète Martí à sa guise. Pour les poètes, ses poèmes constituent l’élément le plus significatif de son œuvre ; pour les journalistes, ses chroniques ; pour les traducteurs, ses interprétations du langage ; pour les humanistes, son humanisme ; pour les libéraux, son libéralisme. Son talent protéiforme peut englober un large éventail d’intérêts. En des moments de grandes différences et de divergences marquées parmi les Cubains, chaque groupe lui rend hommage, justifie ses idées et dénigre celles de l’autre, toujours au nom de l’Apôtre.
Il n’est donc pas surprenant qu’il existe tant d’espaces publics dédiés à Martí, et ce aussi bien à Cuba qu’à l’étranger, car le culte martinien semble dépasser les frontières, celles des Caraïbes, de l’Afrique, de l’Amérique du Nord et de l’Europe ; bref, Martí est reconnu partout comme le plus universel des Cubains. Mais il s’agit en l’occurrence d’une tradition qui a débuté à La Havane, sa ville natale, avec l’inauguration, le 24 février 1905, de la statue située au Parque Central, à peine dix ans après sa mort.
Occupant la place réservée auparavant à un monument de la reine Isabelle II d’Espagne, tout semblait indiquer que la statue de Martí, érigée dans l’un des endroits les plus centraux, marquait le début d’une nouvelle étape dans l’histoire cubaine. Les Havanais ont appuyé à une écrasante majorité l’idée de cette construction, même si bien d’autres aspiraient à remplacer la figure de Martí par une réplique de la statue de la Liberté, ou par des monuments dédiés à d’autres héros cubains.
Mausolée de José Martí à Santiago de Cuba
Une autre statue impressionnante est située à l’entrée du Mausolée de José Martí au cimetière Santa Ifigenia, à Santiago de Cuba, inauguré au début des années 1950. Cette œuvre est le fruit de plusieurs démarches en quête de fonds en vue de la construction d’une tombe digne de l’Apôtre.
Martí à la Plaza de la Revolución
Vers la fin de la première moitié du XXe siècle, alors que la nation vivait une époque tourmentée, les Cubains ont décidé d’aller à la recherche de son mythe. À cette fin, ils ont bâti un autre monument magnifique au point le plus élevé de La Havane : la Plaza Cívica, connue aujourd’hui comme Plaza de la Revolución, un espace qui serait, quelques années plus tard, le témoin de certains des discours les plus emblématiques de Fidel Castro.
Martí au Pic Turquino
Chaque hommage avait pour but de rehausser un aspect caractéristique de Martí. Le héros révolutionnaire a aussi son espace au sommet du Pico Turquino. Depuis 1953, un buste de Martí, situé à 1 974 mètres au-dessus du niveau de la mer, se dresse au site où Fidel Castro et sa guérilla ont mené leur offensive révolutionnaire.
Martí du Central Park de New York à La Havane
Le dernier monument de la capitale érigé en l’honneur du héros national a été inauguré en 2018 : il s’agit d’une réplique de la Statue équestre qui représente sa mort au combat, située dans le Central Park de New York, donnée par des institutions des États-Unis à Cuba.
Les démarches réalisées en vue d’envoyer cette réplique à La Havane ont eu lieu à un moment où les tensions entre les deux nations se dissipaient. Mais l’histoire se répète. Les Cubains se lancent dans la recherche de Martí, et La Havane, à l’instar de chaque ville cubaine, s’apprête à trouver un lieu pour rendre culte à l’Apôtre.
Pour les Cubains, Martí constitue aussi bien un paradigme qu’une contradiction : l’intellectuel qui organise la guerre, le génie qui marche au combat et qui meurt avec simplicité insensée ou l’homme qui peut, par ses idées, justifier les actions des adversaires. Les statues et les monuments reflètent ces contradictions et la passion manifeste des Cubains.
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