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La route sous-marine qui a transformé la capitale cubaine

Tunnel de La Havane

Auteur:
Indira Rosell Brown
Date de publication:
3 juillet 2023

Le viaduc sous la baie de La Havane a non seulement permis la communication de la ville avec sa zone orientale, mais a également propulsé la capitale cubaine vers la modernité.

Túnel de la Habana

La Havane compte trois tunnels mais, sans aucun doute, celui qui passe sous la baie de La Havane est le plus spectaculaire.

En raison de sa complexité technologique, pionnière au moment de sa construction, elle est classée parmi les 7 Merveilles du génie civil cubain. Les auteurs Jacques Boudet, Claude Manceron et Jacques Ostier dans The great works of mindkind (Les grandes oeuvres de l'esprit) la considèrent avec la Cité Interdite, la Grande Muraille de Chine, la ville de Machu Pichu, le Pont de Brooklyn, le Canal de Suez et l'Alhambra à Grenade comme une des grandes oeuvres de l'humanité.

Túnel de La Habana

Avec sa construction, c’est un détour de plus de 20 km bordant la baie de La Havane qu’on a permis d’éviter. Le couloir sous-marin a facilité l’accès aux belles plages de l'est et a favorisé la croissance de l'urbanisation dans cette zone de la ville.

 Qu'est-ce qui a motivé la construction du tunnel ?

Depuis les années 1920, les intentions de faire prospérer la partie est de La Havane étaient envisagées. Cojímar et Guanabo ont été les premiers sites où l'urbanisation a commencé, cependant, ce n'est qu'en 1940 que les classes les plus aisées construisirent des quartiers de type résidentiel. La croissance dans cette partie de la ville a été si grande qu'il a même été envisagé d'y établir un centre politico-administratif.

Túnel de La Habana

Mais un problème géographique a entravé ces projets : En 1955, date du début de la construction du tunnel, cette partie de la ville était accessible par l'autoroute centrale qui était déjà construite depuis plus de 20 ans. Alors que depuis la capitale, pour se rendre à l'est, il fallait emprunter une route longue et tortueuse bordant la baie, soit plus d’une demi heure par la Via Blanca pour faire les 20 km qui séparent le centre de la partie est de la ville.

 Quelles idées ont été proposées pour résoudre le problème ?

Vers 1910, l'ingénieur et propriétaire de plusieurs terrains dans l'est de La Havane, Dionisio Velazco, avait déjà proposé la conception d’un pont entre l'Avenida del Puerto et La Cabaña, mais la proposition s'était heurtée à plusieurs détracteurs, dont le Congrès des États-Unis. Le projet fut rejeté en raison du risque d'effondrement dû aux ouragans fréquents qui dévastent l'île, mais surtout qu'en cas de guerre, il aurait entravé l'entrée de la baie.

Túnel de La Habana

En 1949, le rêve de faciliter l'accès à la zone orientale reprend forme : l'ingénieur cubain José Menéndez s’attelle à de nouvelles études de la région et la Havana Tunnel Development Company confie deux projets à deux entreprises de construction américaines.

Cependant, c’est l'entreprise de construction française Société des Grands Travaux de Marseille qui remporta le projet du tunnel de La Havane.

Pourquoi la Société des Grands Travaux de Marseille a-t-elle été choisie ? L'entreprise a présenté un plan techniquement supérieur à celui des américains, facturé moins cher, et a également garanti qu'une autre entreprise française achèterait du sucre cubain pour l'équivalent du coût des travaux. De cette façon, le financement de la construction était garanti.

Un défi du génie civil

Avec l'ingénieur Menéndez, l'exécution du tunnel sous-marin commença le 19 septembre 1955. Grâce à un équipement spécial pour travailler sous l'eau, 100 000 mètres cubes de sable et 250 000 de roches ont été dragués.

Túnel de La Habana

Le tunnel fut constitué au départ de cinq tubes en béton armé fermés à leurs extrémités par des portes en acier. Ensuite, chacun d'eux a été ouvert pour les remplir d'eau de mer. Plus tard, on les a fait flotter pour les placer dans une tranchée qui avait été préalablement creusée au fond du chenal de la baie. Pour leur protection, les tubes ou caissons furent recouverts de plus de 1,5 mètres de matériau rocheux.

En raison de son étroitesse, l'entrée par la partie côté ville du tunnel fut celle qui demanda le plus d'efforts. L'ouverture de côté est, bien que plus large, était sensible aux glissements de terrain dus à la présence de roches calcaires et un traitement particulier a dû être appliqué.

Enfin, le tunnel a été submergé entre 12 et 14 mètres de profondeur, atteignant 733 m de long et 22 de large. Le viaduc comporte 4 voies, deux dans chaque sens. Chaque voie a une capacité de 1 500 véhicules par heure.

 Le tunnel sous-marin fut sécurisé dans les moindres détails

L'éclairage et la ventilation ont été méticuleusement conçus. Des portes étanches de sécurité contre l’élévation du niveau de la mer, une ligne téléphonique et un système de protection incendie ont été installés.

Túnel de La Habana

Les couleurs intérieures du tunnel furent à l’époque choisies avec soin : crème pastel pour éviter les reflets. Des carreaux spéciaux couvraient les murs intérieurs pour éviter l'écho produit par la circulation.

 Grands Travaux de Marseille de retour à La Havane

En 2000, l'entreprise a effectué une réparation majeure pour corriger les ravages que le trafic et les courants marins avaient causés au tunnel de La Havane.

Túnel de La Habana

Sa structure a été renforcée, des composés chimiques ont été injectés pour empêcher l'érosion et des caméras ont été ajoutées aux canaux de communication. Les systèmes d'incendie, de pompage, d'électricité, de feux de circulation et de ventilation ont également été modernisés. Les anciens carreaux ont été remplacés par la couleur bleue que le tunnel arbore encore aujourd'hui.

Túnel de La Habana

Ainsi, ce grand ouvrage du génie civil (franco)cubain des années 50 continue à nous rappeler qu'il a propulsé La Havane vers la modernité.

traducteur:

Editorial Cubania

Cubanía

Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.

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