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La Havane sous le signe des salsas

Les meilleurs endroits pour danser la salsa cubaine à La Havane

Auteur:
Alexandre Waldman
Date de publication:
30 avril 2020

Il ne vous suffira pas de venir à Cuba, avec les bras ouverts et les pieds en feu, tout enorgueillis de la maîtrise de vos passes de salsa, pour qu’une horde de danseurs populaires et experts s’attroupe pour vous faire danser « a lo cubano ».

« A lo cubano » d’ailleurs, on finit rapidement par se demander ce que cela peut bien vouloir dire sur l’île qui a vu naître le son, le changuï, la rumba et son guaganco, mais encore la timba, la nueva trova, et de nombreuses compositions afro-caribéennes plus modernes de latin jazz, mais où les rues préfèrent chanter et danser sur les grands succès du reggaeton cubain (le cubaton). Adieu nos fantasmes cinématographiés à la sauce Buena Vista Social Club ?

Pas tout à fait. La salsa authentique est bien omniprésente à La Havane et en dehors. Simplement pas forcément comme on se l’imaginait. La cachotière. Simplement pas uniformément accueillante et prête à être « cueillie » comme ce serait plus simple. La capricieuse. Il faut donc pour vivre pleinement La Havane sous le signe des salsas s’attendre à une exploration protéiforme, improvisée, excitante. Car, comme beaucoup de choses à Cuba, rien n’est jamais simple. Un jeu de cache-cache pas déplaisant si l’on est joueur. On vous sert donc, au menu d’aujourd’hui, la salsa havanaise à toutes ses sauces…

A la sauce « popular » : dans la rue et dans le cœur  

Dans votre jeu de cache-cache avec la salsa cubaine vous serez sûrement amenés à explorer les rues de La Havane, un peu à tâtons parfois, lorsque vos plans n°1 et n°2 pour aller danser ce soir seront tombés à l’eau et qu’il vous faudra vous rabattre sur l’obscure recommandation « au petit bonheur la chance » d’un inconnu fort sympathique rencontré le soir même.

Car ce mystère de la salsa au final la plupart des cubains le partagent avec vous. D’abord parce que la plupart des jeunes cubains préfèrent aujourd’hui le reggaetón qui tonne dans les grosses enceintes portatives à la salsa des grands-parents. 

Ensuite parce que demander à un cubain où on peut danser la salsa authentique c’est un peu comme si vous demandiez à un espagnol aléatoire les meilleurs spots de flamenco de la ville. Il en a vite fait entendu parler… mais de là à vous faire une analyse comparative, à moins d’être passionné, il ne saura surement pas vous donner une réponse à la hauteur de vos attentes de danseur chevronné. 

Aucun doute cependant sur le fait que la salsa reste tatouée dans le cœur des Cubains comme un pilier patrimonial. Si vous parvenez à survivre aux salves de reggaetón, la salsa résonne aussi des radios et des chaines hi-fi à domicile un peu partout dans la ville. La Habana Vieja, cœur historique, concentre la plus grande partie des espaces de cours et des lieux de « fêtes » pour danser la salsa à la sauce populaire.

On y apprend et danse le casino, danse né de la pratique de la jeunesse dorée des années 50 qui se retrouvait régulièrement au Casino Deportivo pour mélanger, en groupe (rueda) ou en couple, les influences corporelles du son, du cha-cha-cha, du rock’n’roll, du danzón ou de la valse, une sauce en somme bien métissée. 

La salsa populaire se danse autant dans les fêtes familiales, dans les soirées improvisées, dans la rue spontanément quand la musique plait et qu’elle est un peu arrosée, que dans les night-clubs ou lieux de concerts dédiés.

Elle répond à peu de code et principes chorégraphiques et la plupart des cubains pourront danser sans pour autant « savoir danser » la salsa au sens codifié du terme. Nous avons dansé avec une femme qui faisait le ménage dans la résidence d’un ami. Nous avons dansé avec un éboueur dans la Vielle Havane. Avec qui danserez-vous au hasard d’une rue ? A vous de le découvrir !

Les lieux conseillés :

A la sauce « fiesta » : la salsa mondialisée, celle des voyageurs 

A la suite de la Révolution de 1959, la pratique de la salsa a connu un élan de démocratisation et s’est diffusée dans la totalité du pays en passant d’une danse consacrée à un public restreint à une danse nationale. L’embargo a pour sûr empêché pendant longtemps l’expansion internationale, hors du territoire cubain, de la salsa qui s’est d’abord « développée en marge de Cuba » (Villar, 2012) au travers du « New York style » (salsa dansée en ligne).

Puis l’ouverture et le temps on finit par faire rayonner la salsa cubaine sur les cinq continents et, avec la montée en puissance du tourisme, inscrit parmi les objectifs de la Période Spéciale - crise du début des années 1990 - le pays est devenu une destination de référence du tourisme salsero mondial. 

C’est dans les quartiers plus huppés comme Miramar que sont alors nés les grands festivals et lieux de concerts en live pour accueillir ces voyageurs étrangers venus « pour la salsa, rien que la salsa, toute la salsa, je le jure ». Chaque année des hôtels ouvrent donc leurs portent à des centaines de danseurs. On pense notamment au festival Baila en Cuba. 

Pour ceux venus pour la sauce « fiesta » qui voudraient danser sur de la musique live (en vivo), pas de panique. Les Casa de la Música accueillent toute l’année des groupes d’envergure mondiale pour des soirées d’une vingtaine d’euros où l’on peut y écouter des groupes emblématiques de la scène moderne de timba comme Habana d'Primera ou Pupy y los que Son Son.

Ces lieux ne sont pas toujours bien aménagés pour permettre l’épanouissement du danseur expérimenté et le Cubain lambda y viendra surtout pour s’asseoir autour d’une table, boire, manger, et ne surtout pas danser… mais la musique y est exquise !

Des lieux mythiques comme le Salón Rosado de la Tropical ou El Sauce font régulièrement monter sur scène des groupes de la trempe des impérissables Van Van. Et si l’on est plus branché petit groupe de « comptoir » jouant les classiques de Buena Vista, on retourne à la Habana Vieja ou l’on grimpe sur l’une des terrasses du Prado, et vous voilà en haut de l’Hôtel Inglaterra pour une danse endiablée avec un(e) jeune cubain(e) local(e)… 

Les lieux conseillés :

A la sauce « particular » : les cours particuliers, un levier à double penchants

Parlons un peu de ce/cette jeune Cubain(e) local(e). Car si vous le trouvez plutôt sur les terrasses à l’accès gratuit ou dans certains lieux bien connus du Vedado comme le 1830, c’est que la plupart des lieux mentionnés dans la section précédente de cet article lui sont tout bonnement inaccessible sur un plan financier.

Voilà d’ailleurs un des paradoxes les plus constitutifs de cette scène salsa protéiforme. Avec l’émergence du tourisme salsero on a pu observer une distinction croissante entre les lieux fréquentés par les danseurs autochtones et ceux en visite. Et cela fonctionne dans les deux sens. Le jeu de cache-cache se complique lorsque vous cherchez à trouver les endroits où la salsa est dansée par les cubains entre eux. 

Il faut savoir l’existence du jineterismo, forme de « prostitution douce » consistant à charmer le voyageur étranger lors de soirées et partager des bons moments, y compris de danse… contre rémunération. Pas impossible que notre jeune cubain de tout à l’heure soit un jinetero, cavalier entretenu, déguisé. Mais attention à ne pas non plus catégoriser le beau cubain danseur trop hâtivement. La salsa c’est aussi pour le Cubain un mode au final assez évident d’ouverture sur le monde.

Dans un contexte où quitter le pays est rarement chose aisée, la danse est aussi un moyen propice aux rencontres voire à des relations pas forcément mal fondées. Bien sûr c’est aussi un des meilleurs moyens de finir par venir s’installer à l’étranger. Le jeu n’est pas toujours facile à décrypter. 

Ce qui est beaucoup plus simple en revanche à appréhender est l’opportunité de professionnalisation que la salsa offre aux Cubains. C’est probablement pour cette raison que le quartier résidentiel du Vedado a su se transformer en un cadre privilégié des cours à domicile ou des cours particuliers de manière générale. Certains professeurs y sont alors très sérieux et offrent des cours dans des conditions parfois forts agréables ; terrasses d’une ancienne maison de style colonial, parvis d’une ambassade…

N’oubliez pas que la première compagnie de Cuba, les Rueda All Stars, n’a été autorisée à se produire en dehors de Cuba pour la 1ère fois qu’en 2014. Se faire remarquer en tant que professeurs ou école de danse à Cuba est potentiellement la garantie de futures « success stories », et les bons danseurs cubains en ont conscience.

Le conseil est alors le suivant : prenez un cours dans un de ces lieux plus sûrs avec des professeurs compétents, et renseignez vous avec ces danseurs pour découvrir des nouveaux lieux où aller danser… pourquoi pas avec eux !

Les lieux conseillés pour les cours :

A la sauce « aficionado » : et les Cubains dans tout ça ?

Les Cubains ne dansent donc jamais la salsa dans aucun lieu entre eux ? Si, bien sûr. Déjà dans la rue, en famille, en soirée de manière nonchalante comme on l’expliquait au début de cet article. Puis, il existe quelques lieux dédiés. L’étrangeté à accepter dès maintenant ici est que ces lieux évoluent souvent et qu’il faut pouvoir se tenir régulièrement à la page des mouvements de la communauté salsera  (les fameux « professeurs du Vedado et de la Habana Vieja ») qui évolue sans cesse de part et d’autre de la ville. 

Nous avons rassemblés ci-après une liste qui est donc probablement amenée à évoluer dans les mois à venir mais qui vous donnera une solide base pour votre futur jeu de piste « à la recherche de la salsa perdue » lors de votre voyage à La Havane. 

 Les lieux conseillés : 

Au final, s’il est plus difficile lorsqu’il s’agit de danser la salsa de trouver à La Havane chaussure à son pied que de trouver à Cuba « transat à son dos », la salsa y est finalement présente sous suffisamment de formes et, somme toute, en abondance pour que chaque voyageur-joueur puisse faire sa partie gagnant-gagnant et, avec un peu de zèle, revienne avec un peu de ce mystérieux a lo cubano dans ces valises et dans son cœur. 

Sur l'auteur : Alexandre Waldman est un Français résident à La Havane, passionné de la musique et danse salsa. Ayant suivi plusieurs formations de salsa cubaine en France et dans d'autres pays latino-américains, il nous partage son point de vue comme « salsero aficionado » venu à Cuba « à la recherche de salsa ».


Cubanía

Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.

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