Le tabaquero José Castelar, surnommé Cueto, est reconnu pour avoir popularisé le cigare Salomon et pour les records Guinness pour le plus grand cigare du monde. Dans cet entretien avec Cubanía, il livre son expérience en tant que torcedor des « meilleurs cigares du monde ».
À 79 ans, José Castelar Cairo, connu sous le nom de Cueto, reste l’un des meilleurs tabaquero* de Cuba. Il est connu internationalement pour être le torcedor* du Salomón, une grande vitole qui a été très demandée au début du XXe siècle, et qui ravit maintenant les amateurs de cigares.
Le Salomón, spécialité de Cueto
On retrouve Cueto dans la boutique La Tríada en plein travail : ses doigts allongés préparent sur une tabla, bois sur lequel sont confectionnés les puros*, des habanos* qu’il appelle tumbao. « C’est comme cela qu’on appelle les cigares qui restent pointus », explique-t-il « La tabla que j’utilise aujourd’hui pour préparer les cigares, m’a été offert par le prince d’Arabie », nous confit-il satisfait.
« Salomón est une vitole de Partagás et ne se faisait pratiquement pas. Nous faisions beaucoup le Diadema qui, comme le Salomón, est un cigare de doble figurado, c'est-à-dire pointu à ses deux extrémités », explique-t-il sans détourner les yeux de son travail.
« Ensuite, j’ai repris le Salomón parce qu’il est très difficile à réaliser. Peu de gens font cette vitole, continue-t-il. Puis j'ai créé le Salomón 2 : pour le distinguer je lui fis une boquilla* plus large ». Le Salomón fait partie du vitolario* de l’usine de tabac Partagás, créée à La Havane en 1845. Ce cigare est la spécialité de Cueto, qui aborde son exécution avec l’expertise que lui ont donné 65 ans d’expérience.
*Tabaquero : vendeur de cigares.
*Torcedor : rouleur de tabac.
*Les termes habano et puro, sont des synonymes. Appellations d'origines protégées, ils font référence aux cigares manufacturés à Cuba et dont le tabac a été planté, récolté et transformé sur l'Île.
*Boquilla : partie du cigare que l'on met dans la bouche.
*Vitolario : catalogue publicitaire présentant les exemplaires de cigares vendus.
Un métier débuté à l'adolescence
« J’ai commencé à travailler dans un chinchal à Villa Clara, où je suis né. On appelait les fabriques de cigares, chinchal parce qu’ils étaient pleins de chinches (punaises), dit-il en souriant. Un ami de mon père qui en possédait un m’a emmené travailler avec lui. J’ai commencé à travailler à la picadura*, uniquement pour la consommation nationale. Je me souviens que j'avais 14 ans. Imaginez, dit-il en levant quelques instants les yeux de son travail. À ce moment-là on ne pouvait pas étudier, alors j’ai appris à faire du tabac. »
À l’époque mentionnée par Cueto, les jeunes des familles pauvres devaient travailler dès leur plus jeune âge pour contribuer à l’économie domestique. Beaucoup de ces adolescents choisissaient le métier de tabaquero non seulement pour la rémunération, mais pour le prestige de la corporation sur l’île. Leurs travailleurs avaient un haut niveau culturel dû à la tradition de lecture dans les fabriques de cigares, et parce qu’il a donné naissance à d’importants leaders syndicalistes comme Lázaro Peña.
Précisément, La Havane était l’une des villes cubaines avec la plus grande quantité defabriques de cigares. C’est pourquoi de nombreux jeunes de l’intérieur du pays, comme Cueto, ont décidé de travailler dans la capitale. « Quand je suis arrivé à La Havane à l’âge de 18 ans, j’ai commencé à travailler dans un chinchal seulement avec une picadura. L’autre chose que j’ai apprise à travailler, c’est le tabac doble figurado, c’est-à-dire attaché aux deux extrémités. C’est ainsi que je me suis spécialisé dans le Salomon. »
Cueto continue de fouiller ses mémoires et à tordre les feuilles de tabac. Même l’afflux de touristes qui s’approchent pour observer son travail, ne lui font pas perdre sa concentration, ni le fil de la conversation. « Mais le plus grand apprentissage que j’ai eu à travailler ici dans la capitale a été de faire des cigares tripa larga*, à la main, sans presse et sans moule, entièrement à la main! dit-il avec fierté. Un exemple de tripa larga est le Montecristo, ma marque préférée ».
*Picadura : feuilles de tabac coupées ou hachées en morceaux
*Le cigare tripa larga, entièrement confectionné à la main, est le classique habano. La plupart d’entre eux sont fabriqués à partir de feuilles entières de tabac, provenant de Vuelta Abajo, région où la feuille est produite avec le plus de parfum et d’arôme, et où la culture est plus spécialisée.
Les cigares cubains, les meilleurs ?
« C’est pourquoi ce sont les meilleurs cigares du monde, et, aussi, par notre sol et le climat », explique-t-il en se levant, pour placer un Salomón dans la presse qu’il a à côté de son bureau. Cueto nous explique, en outre, que les vitoles traditionnelles ne sont pas les seules à être bien accueillies par les supporters du habano. « Cuaba, par exemple, est une vitole pratiquement nouvelle qui est apparu après 1959 et a été très bien accueilli ».
Lorsque nous examinons la nouvelle génération de torcedores, il nous dit qu’il est satisfait du travail que font les plus jeunes dans le métier. « J'ai de l'estime pour la nouvelle génération, et c’est bien, parce que je suis sur le point de prendre ma retraite ».
Cherchant à changer la tristesse évidente causée par l'idée de sa retraite à venir, nous lui demandons les satisfactions de son métier. « Tout moment pour moi est bon, alors que je fais des habanos. Depuis que j'ai commencé, je ressens de la satisfaction, de la joie et de la tranquillité ». Bonheur qui est évident lorsque nous l'observons réaliser les puros mais également lorsqu'il se prend en photo avec les touristes qui, constamment, entrent dans le magasin pour acheter leurs cigares.
Vidéaste: Iliam Suárez @iaelectronica
José Castelar, alias Cueto, est un rouleur de cigares originaire de Cuba. Il détient actuellement le record Guinness du plus long cigare au monde.
José Cueto
Vidéaste: Iliam Suárez @iaelectronica
Il reprend la conversation pour nous dire que ses records Guinness, le dernier d’entre eux un cigare de 90 mètres de long, dédié au quatre-vingt-dixième anniversaire de Fidel Castro, constituent aussi une joie. « Oui, c’est une grande satisfaction. Comme il est logique et naturel, le plus grand puro du monde, devait être ici » et, après une pause, il conclut : « Parce que le tabac cubain est le meilleur au monde ».
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