Enlèvement du pilote Fangio et Révolution cubaine (1/2)
Les conséquences historiques d'un enlèvement médiatique
Auteur:
Flavio Pompetti
Date de publication / actualisation:
27 mars 2024
Entrevue accordée par le Club des amis du pilote Fangio de Cuba, auprès de deux des ravisseurs de Juan Manuel Fangio qui ont participé à l’enlèvement du champion en février 1958, lors du second Grand Prix de Formule 1 de La Havane.
Reconstitution d'une journée insolite
Renato Zacchia et Flavio Pompetti eurent pour ambitieux projet de faire venir à Cuba, pendant quelque temps, une GranCabrio entièrement neuve et de la faire rouler sur le Malecón. Le plus étonnant, c’est que non seulement ils ont mené à bien leur projet, mais ils ont réussi à reconstituer les divers éléments qui allaient donner vie à ce véritable roman historique : l'enlèvement du pilote Fangio.
Il est à peu près 10 heures du matin. Devant le Capitole, à La Havane, le soleil est aveuglant et on étouffe de chaleur; comme toujours, la place est encombrée de rutilantes voitures américaines des années 50 qui servent de taxis aux touristes. Soudain, on entend crier « Maserati, Italia, Fangio ! » Et cela se poursuit jusqu’au Malecón.
Rien d’étonnant, les Cubains sont ébahis de voir une GranCabrio chez eux, dans les rues de la capitale, cinquante-trois ans après la dernière présence d’une Maserati. Et c’est précisément le souvenir durable de cette journée fatidique, et de ses conséquences pour l’histoire de l’île, qui justifie ce retour, si chargé en émotions et relents du passé.
Le Malecón, cette large voie asphaltée qui longe l’océan sur 4 km, est le site du deuxième Grand Prix cubain, en février 1958. La course de Formule Un sur invitation est de nouveau organisée par le célèbre général Fulgencio Batista. Le grand champion pilote Fangio, « El Maestro » (le Maître) ou « El Chueco » (le Cagneux) pour ses millions de fans à travers le monde, est de retour avec une Maserati 450S prêtée par le collectionneur de voitures américaines Temple Buell.
L’année précédente, Fangio a gagné à bord d’une 300S construite par le même carrossier italien. Une longue file de Ferrari est au rendez-vous pour le défier : Stirling Moss avec sa flamboyante 335S, Phil Hill avec une 335S lui aussi, Masten Gregory avec une ancienne 860 Monza et Porfirio Rubirosa avec sa TRC 500.
Un mélange raffiné de célébrités du monde du sport et de la haute société a été invité sur place pour célébrer le pouvoir de Batista et sa parfaite maîtrise de la sécurité nationale. En réalité, l’emprise du dictateur a déjà commencé à s’éroder, car les forces révolutionnaires de Fidel Castro se préparent à quitter les montagnes de la Sierra Maestra pour marcher sur la capitale. C'est dans cette ambiance que la veille du second Grand Prix de Formule 1 de La Havane, Fangio est enlevé par le mouvement révolutionnaire du 26 Juillet, ce qui le privera de sa participation à la course. Il dira plus tard que cela lui aura peut-être sauvé la vie...
Un coup d'éclat pour les révolutionnaires
Il sera libéré 27 heures plus tard et remis entre les mains d’un attaché militaire argentin. La fête prévue par le général n’aura jamais lieu. Au contraire, toute l’opération tourne au cauchemar quand la course est plusieurs fois retardée avant de finir par se dérouler dans un climat de haute tension. Après cinq tours, la compétition prend une tournure dramatique quand la Testarossa numéro 54 conduite par le Cubain Armando Garcia Cifuentes quitte la piste et heurte des dizaines de spectateurs debout devant l’ambassade des États-Unis. Bilan : sept morts et 40 blessés. Le drapeau rouge est levé, on met fin à la course et la victoire sans triomphe est accordée à Stirling Moss, alors en tête.
Le 23 février 1958 s’avère une date fatidique pour tout le monde. Batista prend, aux yeux du grand public, des allures de roi déchu, n’étant plus maître de son pays. En effet, l’enlèvement et le retour de captivité ont lieu au nez de son service de police, sans qu’une seule goutte de sang soit versée. À peine 10 mois plus tard, la veille du Nouvel An, le général doit s’enfuir précipitamment de La Havane, en smoking, et se réfugier à Saint-Domingue.
L’enlèvement du pilote Fangio est un triomphe pour la Brigade du 26 Juillet, qui fait alors les gros titres, partout dans le monde, mettant ainsi le mouvement révolutionnaire hors de portée de la censure d’État. Fangio fait lui aussi cette nuit-là une rencontre avec son destin.
À l’âge respectable de quarante-sept ans, avec cinq championnats du monde à son actif au cours des sept dernières années, il est au sommet de sa carrière et adulé par des hordes de fans sur tous les continents. Il n’admettra jamais à quel point la folle course de nuit aux mains des ravisseurs en quête d’un lieu sûr l’a ébranlé, mais la suite est éloquente : El Maestro n’a plus jamais gagné d’autres courses après ce jour-là, et cinq mois plus tard, il s’est retiré de la compétition pour de bon.
traducteur:
Léo La Brie
Cuba Absolutely
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