La position pro-environnement de Cuba dans l'arène internationale est bien connue. Qu'en est-il de cette politique à l'intérieur des frontières cubaines ?
Le discours diplomatique cubain et l'action de l'État révèlent une position nettement favorable à la protection de l'environnement. Cependant, cette volonté ne se concrétise pas toujours dans les territoires peuplés et les espaces naturels du pays.
Cuba est signataire de quarante et un accords multilatéraux en matière d'environnement, comme la Convention sur la diversité biologique. 85% de cette activité diplomatique a été menée après l'avènement de la Révolution cubaine, en 1959. Aussi, l'histoire retiendra qu'à Cuba, c'est Fidel Castro qui a le plus œuvré pour la protection de l'environnement.
La première loi de protection de l'environnement date de 1981. Au lendemain de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et la Déclaration de Stockholm (1972), Cuba a suivi la Colombie, le Venezuela et l'Équateur pour devenir le quatrième pays d'Amérique latine à avoir promulgué une loi d'une telle portée.
Pour mettre en œuvre cette politique pro-environnement, Cuba a créé tout un réseau d'institutions pilotées par le ministère de la science, de la technologie et de l'environnement (CITMA). Vingt ans après la promulgation de la première loi sur l'environnement, ce ministère a créé un comité d'experts cubains chargés de revoir ce texte législatif.
La crise économique traversée par Cuba à cette époque a donné lieu à de nombreux problèmes environnementaux, provoqués par l'utilisation irrationnelle des ressources naturelles. On peut citer, à titre d'exemple, la pêche excessive des espèces de poissons les plus commercialisées et l'utilisation de techniques qui ont détruit les fonds marins.
Les politiques face au changement climatique
Face à l'augmentation du niveau de la mer — l'estimation est de 27 cm d'ici à 2050 — le Conseil d'État cubain a décrété en 2000 une loi sur la protection du littoral, dont les dispositions visent à protéger les zones côtières et à y promouvoir des activités durables. Nouvelle initiative en 2017 avec le plan d'État pour la lutte contre les effets du changement climatique dans les zones vulnérables.
Ce plan a été nommé Tarea Vida (Tâche Vie). L'une des mesures prévues est d'appliquer de manière stricte l'interdiction de construire dans les zones côtières, en accord avec la loi de protection des côtes. Des milliers de bâtiments ont déjà été détruits sur le littoral, y compris des habitations.
Même si le gouvernement a construit d'autres logements dans des zones éloignées des côtes, ces décisions ont suscité un certain mécontentement dans la population, car à l'époque où ces maisons ont été construites, aucun avertissement concernant l'interdiction n'avait été lancé. Ces faits illustrent le manque de coordination entre les structures chargées de veiller à l'application des lois pour la protection de l'environnement.
Des mesures insuffisantes ?
La politique environnementale cubaine a bénéficié aussi bien aux espaces naturels qu'aux agglomérations. Les nouvelles approches de l'environnement étendent ces politiques aux villes et aux zones d’activités humaines, bien au-delà des espaces naturels.
Les zones boisées avaient drastiquement diminué suite à la coupe d'arbres pendant la colonisation espagnole, en effet elle fournissait du bois pour les infrastructures et permettait d'augmenter les surfaces agricoles. Cette coupe fut fortement ralenti seulement quelques années après la Révolution cubaine et les zones boisées ont regagné du terrain ces vingt dernières années. Dans la région, seuls l'Uruguay et le Costa Rica ont effectué des progrès comparables.
Les universités et les centres de recherche cubains s'appliquent à mettre la science au service de la société, et par conséquent de l'environnement, à l'instar du travail effectué en partenariat par l'Institut d'écologie et la faculté de géographie de l'université de La Havane dans le cadre du projet de recherche Conectando paisajes (Connecter les paysages), visant à protéger les écosystèmes montagneux en danger.
Malgré ces réussites, des problèmes environnementaux profonds persistent à Cuba, comme ceux liés à l'agriculture intensive sans rotation des cultures pratiquée dans les exploitations qui fournissent la capitale en produits agricoles. Par ailleurs, le traitement des déchets industriels et des eaux usées reste insuffisant, tout comme le contrôle des activités susceptibles de menacer la biodiversité (chasse, pêche, coupe d'arbres).
L'implication des citoyens dans la protection de l'environnement, notamment en matière de prise de décision, est encore faible. La prise de conscience en matière d'environnement et l'éducation à la protection de la nature sont à renforcer. La situation est également caractérisée par un manque de formation sur les questions environnementales chez les décideurs au niveau local. Dans la vie quotidienne cela se traduit, par exemple, par des déchets parfois jetés au sol par les Cubains et par le manque de conscience de l'impact que cela aura sur leur environnement.
Il n'en demeure pas moins que dans le rapport annuel « Planète Vivante » 2016 de l’ONG World Wide Fund for Nature (WWF),Cuba figurait comme le seul pays au monde se dirigeant vers le développement durable. Le visiteur s'étonnera donc peut-être s'il trouve chez un Cubain, ou dans une cafétéria, des verres recyclés à partir de bouteilles de rhum ou de bière, ou bien des sacs plastiques venant tout juste d'être lavés, séchant au soleil. Le Cubain dans sa vie quotidienne fait montre de trésor d'inventions et fait écho à la célèbre maxime «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme».
traducteur:
Florine Lamarque
Cubanía
Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.