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Carlos Acosta, le « métisse en or »

Un danseur étoile au destion hors du commun

Auteur:
Cubanía
-
Ernesto San Juan
Date de publication:
10 novembre 2022

Carlos Acosta ou l'art comme salvation ! Enfant il développe une appétance particulière pour la marginalité, son destin paraissait scellé et une vie de malfrat lui semblait toute tracée. C'était sans compter sur son histoire d'amour unique avec la danse classique, une passion hors du commun pour ce gamin des rues, qui le mena sur les plus grandes scènes internationales et lui permit de raffler toutes les plus hautes distinctions de cet art, pourtant si élitiste.

Une enfance loin des bancs d'école

Charismatique, cabotin, athlétique, plein d'énergie et de tempérament, il semble aujourd'hui difficile d'imaginer son enfance : à l'époque, celui qui est né à Arroyo Naranjo, un quartier de La Havane appelé Los Pinos, ne s'entêtait qu'à suivre le mauvais chemin. Comme il ne supportait pas l'école et traînait seulement avec les gangs des rues.

Inquiet, son père, demanda conseil à une voisine, qui lui suggéra de l'inscrire à l’École élémentaire de ballet Alejo Carpentier afin de le cadrer. Carlos y alla à reculons au départ car il voulait devenir footballeur, puis le gamin finit par se laisser convaincre. Cependant, les premiers temps, ses pairs lui rendirent la vie difficile.

J'étais constamment couvert d'éraflures et de bleus... Mes camarades de jeux me traitaient de 'tarlouze' et je devais évidemment défendre mon honneur

Puis ses deux sœurs durent assumer la responsabilité du jeune homme, suite à l'attaque cérébrale de la mère et l'incarcération du père pendant deux ans (suite à un accident dans lequel il était impliqué). Carlos fit alors l'école buissonnière, ne se présentait plus aux spectacles… Il fut transféré à Villa Clara puis plus tard à Pinar del Río où, grâce à ses professeurs, il commença à aimer le ballet. « C'est surtout Juan Carlos González qui réveilla en moi cette envie de me surpasser, d'être le meilleur » raconte-t-il. Par la suite, son parcours personnel n'a fait que renforcer l'idée qu'il appartenait aux meilleurs, à ceux qui s'imposent, qui persévèrent.

Un succès international grandissant

La presse spécialisée américaine le présenta comme étant l'intermédiaire entre Nureyev et Baryshnikov. Et ses aptitudes artistiques et techniques lui permirent de s'imposer dans les meilleures compagnies telles que l' English National Ballet, le Royal Ballet de Londres, l'American Ballet Theater, le Houston Ballet, le Bolshoi et le Ballet de l'Opéra de Paris.

Dans un premier temps, il récolta les lauriers internationaux les plus prestigieux, après que l'enseignante Ramona de Sá, connue comme étant le Cinquième Joyau du ballet cubain, l'y eut préparé de façon à ce qu'il soit le meilleur. Il commença par rafler le Grand Prix de Lausanne puis alors plus rien ne lui résista : la Biennale de Danse à Paris ; le Concours des Jeunes Talents à Positano en Italie ; le Vignale Danse, le Prix des Jeunes Artistes de la Fondation Princesse Grace de Monaco… A tel point qu'il fut surnommé « le métisse en or ».

Pour ces raisons, il décida ne plus se cantonner uniquement à des rôles qui n'étaient pas à sa hauteur en tant qu'artiste alors même qu'il faisait partie d'une compagnie aussi prestigieuse que le Royal Ballet. Il commença à s'imposer car il ne voulait pas uniquement « faire des sauts ». Il ne comprenait pas que lorsque « Roméo et Juliette » était mis en scène, on le convoquait pour interpréter Mercutio et non pas Roméo. « J'en était arrivé à un point où ce n'était plus supportable. Je me suis expliqué, on m'a donné une opportunité et à cet instant précis, c'était foutu pour eux ».

Un métisse défiant les codes classiques

Par la suite, ce fut au tour de Don Quichotte, Le Lac des Cygnes, Manon, Mayerling, Two, Le Bourgeois, End of Times, Suite of Dances, Gisèle, Apollon… Certains ballets l'ont marqué plus particulièrement, comme ce fut le cas de Spartacus. « Je suis né pour interpréter ce rôle. D'un côté cela me donnait l'occasion d'incarner un leader, un mythe, pour lequel j'avais de nombreux exemples (Maceo, Quintín Bandera, Flor Crombet…). Et d'un autre côté, j'étais l'esclave. Or personne ne pouvait mieux interpréter l'esclave que moi. Vladimir Vasiliev incarnait parfaitement le héros mais il avait du mal avec l'autre rôle. Pour ma part, dès que j'étais sur scène, la souffrance d'un peuple enchaîné était comme une évidence… Celle de ceux ayant uniquement des chaînes… Cette dimension là n'apparaissait pas dans ce ballet auparavant ».

Carlos Acosta ne fait pas partie de ceux qui se contentent... Il choisit d'écrire et c'est ainsi qu'est apparu Tocororo (nominé au prix Lawrence Olivier), son premier opéra en tant que chorégraphe. Comprenant qu'il devait raconter son histoire à ce public qui l’admire, il écrivit un vrai best-seller No way home. Il a également publié un roman Pig's foot. La fameuse actrice Nathalie Portman l'a invité sur le plateau pour qu'il soit au centre de son récit New York, I love you et il ne n'hésite pas à s'y présenter.

Par la suite, il tourna à Cuba El día de las flores. Il a par ailleurs conquit le doctorat Honoris Causa de l'Université Métropolitaine de Londres, a été nommé Prix National de Danse.

Un départ au sommet de sa gloire

Finalement Carlos Acosta, qui voit le jour en 1973, annonce son départ définitif de la scène en septembre 2015.  Sa version de Carmen, accompagné du Royal Ballet où il a été le danseur principal invité depuis onze ans a été sa dernière. À dire vrai, cela faisait déjà un moment qu'il préparait son public à cette éventualité. « Lorsque ce jour viendra, je me consacrerai à la chorégraphie, j'étudierai davantage la technique contemporaine afin d'essayer de bien la maîtriser. En ce moment, je me sens particulièrement sous pression car mon corps perd ses capacités. Je suis arrivé au plus haut niveau qu'il soit possible d'atteindre actuellement et il ne reste donc qu'un chemin descendant à parcourir. Continuer l'ascension est pratiquement impossible. C'est pour cette raison que j'ai constamment essayé de me réinventer et que j'ai pris la décision de quitter le classique un peu plus tôt, car je ne veux avoir à mal le faire ».

Le ballet est réservé aux corps jeunes et la jeunesse se bouscule aux portillons, sautant et virevoltant comme moi par le passé. Pourquoi lutter contre la nature ? Il est préférable de laisser les œuvres classiques là où elles se trouvent et laisser d'autres venir les dépoussiérer

Tamara Rojo and Carlos Acosta Le Corsaire Pas de Deux Coda - YouTube


Cubanía

Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.

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