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Des descendants d'esclaves au projet communautaire

Quisicuaba ou l'organisation d'un quartier autour des traditions afro-cubaines

Auteur:
Indira Rosell Brown
Date de publication:
5 août 2023

Ils revendiquent "Lumière et Amour" comme devise ! Ce sont les héritiers des traditions africaines venant des esclaves affranchis. Basées sur l’entraide et la religion, les habitants de ce quartier autrefois marginal, se présentent aujourd’hui sous la forme d’un projet communautaire : Quisicuaba.

Quisicuaba

Comme le faisaient les anciens cabildos, conseils de sages afro-cubains, le Projet Socioculturel Communautaire Quisicuaba promeut l'éducation, les traditions cubaines d'origine africaine et fournit une assistance sociale aux résidents les plus vulnérables de Los Sititos (Les sites).

Ce quartier, situé dans la municipalité de Centro Habana, ne laisse pas indifférent ceux qui le visitent, surtout pour la première fois. Des femmes âgées chantent du rap, des enfants dansent sur des rythmes africains, on peut aussi voir une célébrité du cinéma servant à manger à des sans-abris, voilà une drôle ambiance dans un quartier atypique de la capitale cubaine.

C'est le travail du projet socioculturel communautaire Quisicuaba. Celui-ci s’efforce depuis des années à réhabiliter la communauté de Los Sitios, marquée par une longue histoire de marginalité.

Quisicuaba

Le projet communautaire cubain, dirigé par l'épidémiologiste et anthropologue José Alemán, compte 30 objectifs visant à améliorer la vie des familles et des individus ; en plus de sauver et de promouvoir les traditions cubaines d'origine africaine.

L'éducation sexuelle, environnementale et artistique, ainsi que la promotion de l'histoire et des traditions du lieu à travers la socio-muséologie (musée unique en son genre dans le pays), sont quelques-uns des domaines couverts par le projet Quisicuaba.

La « soupe populaire » créée par le projet, qui sert le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner à 3 500 personnes sans abri et à faible revenu, est d'une grande pertinence. L'attention aux mères célibataires et aux ex-détenues sont d'autres actions menées par le projet communautaire cubain.

Quisicuaba

Les présentations artistiques animées par des enfants et des jeunes de la communauté permettent d’attirer les visiteurs, tout comme les peintures murales colorées qui décorent le quartier réalisées par les résidents eux-mêmes. Elles témoignent de la manière dont se manifeste l'objectif principal du projet : que les voisins soient les protagonistes de son développement.

Les actions visant à protéger l'environnement, qui incluent la conservation des quelques espaces verts des sites, suscitent également un grand intérêt.

L'histoire du projet de la communauté remonte à 1939

Quisicuaba est née d'une institution créée par Andrea B. Sabala Ortega, grand-mère de José Alemán : l'Association Spirite Kardecian Cruzada, héritière de pratiques religieuses telles que le « spiritisme de cordon ».

Selon le directeur du Projet socioculturel Quisicuaba, "cette expression religieuse prend ses racines dans la population aborigène de Cuba".

Selon les investigations menées sur le sujet, des coïncidences ont été trouvées entre la position occupée par les pratiquants dans le cordon, espace où s'établit la communication entre les vivants et les morts, et l' areíto, fête et cérémonial magico-religieux de la population primitive des Antilles qui s'accompagnait de chants et de danses. Dans les séances de cordon, les participants se tiennent par la main en formant un cercle, pendant qu'ils marchent, dansent, tapent des talons et chantent des chansons typiques de cette croyance. Ce rituel est effectué pour améliorer certains aspects de la vie des croyants en invoquant l'aide des esprits.

Ainsi, la variante du spiritisme, telle que nous la connaissons aujourd'hui à Cuba, trouve ses racines aussi bien dans les pratiques de la population aborigène de Cuba que dans les influences des pratiques de guérison populaires, du catholicisme, des éléments culturels afroïdes, ainsi que dans le spiritisme kardécien. Le spiritisme kardécien ou scientifique, comme on l'appelle aussi, est une doctrine dont le plus grand représentant fut le Français Allan Kardec. L'immortalité de l'âme et la relation entre les esprits et les hommes font partie de ses préceptes, mais il n'envisage pas de rituels, comme dans le spiritisme de cordon.

Au départ, cette institution religieuse était chargée d'aider les voisins les plus vulnérables de Los Sitios, comme le faisaient avant eux les anciens cabildos de nación, Conseils Afro-cubains, ces associations de descendants d'esclaves basées sur l'entraide et facilitant la pratique de leurs religions.

C’est en 1992, que fut fondé ce que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de projet socioculturel de la communauté Quisicuaba. Cette communauté continue aujourd’hui à aider les plus démunis et permet en outre la sauvegarde des traditions africaines et de l'histoire du lieu.

D'où viennent les habitants de Los Sitios ?

Les Kissis, du bassin sud de l'Angola, étaient l'un des groupes ethniques amenés à Cuba comme esclaves. Ses membres étaient appréciés pour leur grande résistance physique et leur assiduité, mais ils étaient aussi redoutés pour leur rébellion. Leur résistance à l'esclavage fut si forte que les colons avait tendance à assassiner les insurgés et plaçaient ensuite leurs corps au pied du palais d'Aldama comme mesure exemplaire.

Quisicuaba

Après l'abolition de l'esclavage, les Kissis se sont installés dans la région que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de Los Sitios. Un arbre appelé Cuaba abondait sur ces lieux, ils en utilisèrent le bois pour construire leurs maisons. Des mots Kissis et Cuaba est né le nom de lieu Quisicuaba.

Les « noirs des cuabales », comme on appelait ces populations, se consacraient à la culture du manioc, des plantains, du riz et des oranges. Ils se chargèrent également de maintenir leurs coutumes et religions d'origine africaine, parmi lesquelles se distinguent les Yoruba et les Abakuá. Des traditions que le projet socioculturel communautaire Quisicuaba continue de défendre.

Musée Quisicuaba : unique en son genre à Cuba

L'institution, fondée il y a 7 ans, est considérée comme un écomusée pour être constamment en interaction avec la communauté et promouvoir la culture de son propre lieu. On y trouve entres autres, des œuvres en céramique liées aux traditions de Los Sitios et des autels pour le culte d'Ifá et d'Ocha.

Quisicuaba

Los Sitios sauvé par Quisicuaba

Grâce au projet d’intégration de la communauté à travers la culture et l’entraide, de plus en plus de personnes rejoignent chaque année Quisicuaba. Aujourd’hui la communauté travaille aussi pour une sensibilisation à la protection de l'environnement et du patrimoine urbain ; elle œuvre également pour la culture à travers l’expression artistique pour maintenir les traditions. La culture et l'humanisme ravivés à Los Sitios c’est finalement la concrétisation de sa devise : un espace de « Lumière et d'amour ».

traducteur:

Editorial Cubania

Cubanía

Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.

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